Tout commença par une intense douleur au genou au mois de mars 2017, lors d’un échange universitaire en Chine. C’était d’autant plus alarmant que la douleur s’était déjà prononcée auparavant, alors je me décidai enfin à consulter. J’essayai tout d’abord la médecine traditionnelle chinoise, mais l’acuponcture fut de peu de secours face à la situation dont j’ignorai tout à ce moment. Puis je me rendis dans un hôpital de médecine moderne, et après une radiographie qui n’indiqua rien de concluant, le docteur eut l’intelligence d’ordonner une prise de sang. Il semblait alarmé à la lecture des résultats, mais comme il parlait avec un fort accent local, je ne comprenais pas un mot sur trois. Alors nous fîmes venir Echo, professeur de chinois, pour qu’elle m’explique plus clairement la situation. Il s’agissait apparemment d’une sale infection doublée d’une anémie, d’où le nombre de globules blancs étonnamment haut et le nombre de globules rouges extrêmement bas, ce qui expliquait la fatigue, mais pas la douleur. Elle me conseilla de changer d’hôpital, les petits établissements comme celui-ci ayant pour réputation de faire leur beurre en prescrivant des traitements chers et inadéquats.

Quelques examens plus tard, la situation s’aggrava. Mon anémie empirait d’un résultat à l’autre et je me sentais de plus en plus faible et fatigué. Commençant à m’inquiéter de mon sort, je demandai au médecin ce qu’il en pensait. Celui-ci me dit craindre une “白血病” (bai xue bing). Après avoir cherché la traduction, je compris qu’il s’agissait littéralement de la maladie du sang blanc, autrement appelée leucémie. Un peu abasourdi par l’importance du mot que je venais de lire, je frémis en imaginant l’ampleur potentielle de la merde dans laquelle je me trouvais, si son diagnostic se voyait confirmé. Il voulut alors me faire passer un myélogramme, seul examen qui permette de poser un diagnostic de leucémie avec certitude, mais je n’en avais jamais entendu parler. Il s’agissait d’un prélèvement de moelle osseuse. Un autre de mes professeurs, Benny, me conseilla de faire cet examen dans l’hôpital public où travaillait sa femme et qui, selon ses dires, était le deuxième meilleur de Chine.
Deux jours passèrent, et une fois le myélogramme réalisé le diagnostic tomba : leucémie il y avait. Le médecin de l’autre hôpital avait malheureusement vu juste, ce n’était pas un charlatan qui gagnait son pain en professant des maladies effrayantes dans pour d’inciter ses patients à souscrire à des traitements hors de prix, comme je me l’étais imaginé. Mais quelle était donc cette maladie nouvelle, cette leucémie ? Je n’en savais foutrement rien, si ce n’est que c’était un cancer du sang. Aussi, je ne m’effondrai pas sous le coup de l’annonce, comprenant à peine que j’étais gravement malade tant cela me semblait irréel. Ce ne fut que plus tard en envoyant un message à ma mère pour l’informer de la situation que le diagnostic me percuta de toute sa gravité. Je me souviens de ce moment avec beaucoup de clarté, je sortais du métro avec des amis chinois, nous avions prévu d’aller manger au restaurant pour me changer les idées. Quand j’entendis cette voix si familière m’annoncer par message vocal qu’elle était sincèrement désolée d’apprendre la nouvelle, c’est là que je compris : j’avais un cancer. Peut-être était-ce la profondeur de sa voix ou la solennité de son ton, toujours est-il qu’en me dirigeant vers la sortie du métro, je fondis en larmes au milieu d’une foule d’inconnus. Au choc de la nouvelle s’ajouta l’émotion ravivée par le manque et la distance, cela faisait six longs mois que je n’avais pas vu ma chère et tendre mère, depuis mon départ en septembre 2016. Je m’assis sur un banc pour écouler mon stock de larmes et intégrer ce nouveau paramètre, mes amis essayaient de me consoler tant bien que mal. Ils se montraient compatissants et me disaient de ne pas pleurer, mais comprendront-ils jamais l’état dans lequel je me trouvais ? Je compris alors que parfois, il valait mieux ne rien dire, qu’une simple présence, un simple geste, une tape amicale, ne serait-ce qu’une main sur l’épaule, font plus de bien que des mots lourds et encombrants, plein de maladresse.
Quelques jours plus tard, les différents organismes d’assurance en charge du rapatriement sanitaire commencèrent à organiser mon retour. Comme la maladie évoluait rapidement, il me fallait entamer les traitements au plus vite pour ne pas voir mes chances de guérison s’amenuiser. Mais voilà, pour rentrer en France, il fallait déjà que je sois « rapatriable ». L’anémie se creusait, mon taux d’hémoglobine était descendu à 6,4 grammes par décilitre de sang en l’espace de quelques jours, ce qui était par deux fois inférieur à la moyenne basse. Le moindre effort m’était devenu incroyablement coûteux en énergie, mes lèvres étaient transparentes, mon teint fantomatique, et j’avais la désagréable sensation de n’avoir plus une seule goutte de sang dans mon corps. Du sang, du sang, du sang, j’avais besoin de sang, du sang frais ! On m’hospitalisa en attendant que je puisse prendre l’avion, commença alors une pré-phase du traitement : les corticoïdes.
Mes derniers jours en Chine ne furent pas aussi tristes qu’on pourrait l’imaginer, j’étais bien entouré par mes amis qui m’apportèrent du réconfort sous la forme de pizza et de chocolat, ce qui était d’autant plus généreux que ces gourmandises coûtent une petite fortune là-bas. Après quelques transfusions de sang qui permirent à mes globules rouges de remonter, vint le temps de prendre l’avion et de faire mes adieux à la Chine.
Au fond de moi, je n’avais aucune envie de rentrer en France, je savais que les traitements seraient durs et j’avais peur de ce que deviendrait ma vie. Mais j’avais le couteau sous la gorge et la gorge nouée, car à la vitesse où évoluait la maladie, il ne m’aurait peut-être resté que quelques semaines avant que mon système immunitaire ne soit complètement annihilé par la maladie, et il m’était simplement inenvisageable de suivre les traitements seul en Chine. Dans l’avion, je fus escorté par un médecin chinois en business classe. Maigre réconfort, mais quand même, c’était une première. Une fois arrivé, je fus directement transféré au service des soins continus de l’hôpital Saint-André à Bordeaux pour le week-end, avant que ne se libère un lit au service d’hématologie de l’hôpital Haut-Lévêque. C’est là que commença ce journal.
Mon frère un bijou cet écrit. Émouvant prenant, riche d intrigue. Ne lâche pas crois y ça vaut le détour
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Merci Rachel ❤
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On ne peut jamais ressentir la douleur des autres dans ces moments, on ne peut que se l’imaginer, et souvent cela ne suffit pas. Dire que l’on te comprend ou que l’on sait ce que ça fait ne serait que mentir, mais par contre, on peut te dire que l’on te soutient et t’envoyer tout notre amour. C’est peut-être ça qui nous aide à tous nous en sortir qu’importe la situation. Bref, en tout cas, cette idée de blog est vraiment géniale ! C’est doux, sensible et très bien écrit (objectivité est mon 2ème prénom). Je suis convaincue que ça va aider beaucoup de personne, y compris toi-même. On est fière de toi et on attend le prochain article avec impatience !
Gros bisouus 🙂 (et oublie pas d’écouter SnackBar chez Raymond de temps en temps pour remettre les pendules à l’heure ahah)
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Waow!
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Le prologue… et déjà versé ma première larme, moi la grande sensible.
J’ai hâte de lire la suite, non pas par curiosité (enfin si un peu quand même) mais plutôt une envie de « savoir ». Celui qui apprend des choses .
Récit qui promet de nous plonger dans un univers inconnu et que l’on souhaite ne pas connaître, mais qui peut être utile si un jour on croise la maladie.
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Je partage ta sensibilité, j’ai tout autant hâte de vous dévoiler la suite. 🙂
Merci pour ton commentaire
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Très belle initiative, Nathan. Même si ça apporte un peu de pluie dans les yeux, je serai heureuse de lire la suite de tes aventures… Ne lâche pas l’affaire !😉
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De la pluie dans les yeux… Je connaissais pas la formule, c’est très imagé, j’aime bien 🙂
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Bonjour Nathan,
Je viens d’etre diagnostique d’une leucemie, je vis a hong kong. Serait il possible de te poser quelques questions en prive?
Merci d’avance pour ton aide!
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Bonjour Adrien,
Je suis navré d’apprendre cette nouvelle. Tu peux m’ajouter sur Facebook ou Instagram pour que l’on puisse échanger : Nathan Geffen.
Whatsapp : +33656776438
Mail : n.geffen@hotmail.com
Courage 💪💪💪
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